Édito : quand la base ne veut plus être dirigée

Les fêtes 2023/2024 promettaient déjà d’être animées, avec la grande convergence entre Renaissance, LR et RN scellée par le vote commun de la loi Immigration du 20 décembre. La préférence nationale a donc fait son entrée dans la loi, et par la grande porte, celle du vote parlementaire. Quiconque imaginait encore qu’il est possible de trouver des terrains d’entente avec la macronie doit désormais se rendre à l’évidence : la bourgeoisie se rassemble sur le terrain du Rassemblement National.

Autre évidence, la formation d’un front commun à gauche, d’un front populaire et citoyen dépassant les calculs boutiquiers des uns et des autres est donc un impératif, dans les luttes et dans les urnes. Celles et ceux qui, par caprice ou par intérêt, se sont amusés à fragiliser la NUPES ont pris une lourde responsabilité.

Mais voilà que l’actualité est venue juxtaposer un second débat à celui-là : avec l’affaire Depardieu, la France connaît son propre MeToo bleu-blanc-rouge, sa propre crise du milieu du cinéma. Ce dernier, sensé offrir une vitrine flamboyante au capitalisme moderne, présente en fait un visage de plus en plus sordide. L’arrogance des puissants, notamment, a stupéfait. Celle de Depardieu lui-même, d’abord, qui n’hésite même plus à agresser des fillettes sous l’oeil complice de la caméra de Yann Moix. Celle d’Emmanuel Macron ensuite, déclarant que la France est « fière » de Depardieu – au vu des enquêtes d’opinion, on se demande bien de quelle France il parle, tant il est vrai que nous avons plutôt honte du grand homme. Et celle, finalement, d’une partie de la « grande famille du cinéma » volant au secours de l’un des siens dans une tribune devenue fameuse, initiée par un éditorialiste d’extrême-droite et demandant l’impunité pour les élites artistiques.

Bilan de l’opération ? Un désastre. Les signataires se dédisent les uns après les autres. Ils ont pris en pleine face comme on prend un mur, une porte vitrée ou un platane en voiture, l’indignation du public, et celles de nombre d’artistes et de créateurs qui n’ignorent pas les aspirations féministes et les sentiments égalitaires que la crise enracine dans notre pays. Il paraît que les révolutions deviennent possibles lorsque le sommet n’est plus capable de diriger, et que la base ne veut plus être dirigée. En France, chaque rebondissement de l’actualité le montre : nous y sommes. Alors, la suite de l’histoire appartient à l’initiative politique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *