Contribution par ces temps de guerre aux États généraux de l’information

« Sans liberté de la presse, la démocratie ne peut survivre » – António Guterres

« La liberté de la presse ne s’use que lorsque l’on ne s’en sert pas » – Devise du Canard enchaîné

Alors que les États Généraux de l’information ont été lancé par le Président de la République et que la presse « libre » a lancé ses propres États Généraux de la Presse Indépendante, quelques réflexions sur le traitement du Conflit entre Israël et les palestiniens relevé depuis le 07 octobre 2023.

Bien entendu, ce qui vient immédiatement à l’esprit est l’utilisation de la qualification de terroriste au sujet des massacres perpétrés par le Hamas le 07 octobre. Au-delà des polémiques, il est à noter que l’AFP et d’autres médias (la BBC…), se refusent à désigner ainsi ce mouvement et se sont trouvés dans l’obligation de s’en expliquer, ce qui interroge, a contrario, sur le fait que la quasi-unanimité des journalistes français a qualifié ce mouvement ainsi. Nous verrons ultérieurement que sans doute, l’absence prolongée de contextualisation historique participe de cet usage comme « allant de soi ». On a connu, à d’autres périodes historiques une même dichotomie d’interprétation s’agissant de la « guerre d’Algérie », nommée alors « les évènements » où l’ensemble des forces de droite et d’extrême droite et de larges pans de la gauche sociale-démocrate partageaient (déjà) cette qualification de terroriste quand le PCF et une frange des forces de progrès s’y refusaient au motif que la notion de « terroriste » ne pouvait s’appliquer à un peuple en lutte pour son indépendance, ce qui n’était pas, loin s’en faut un appel à soutenir ou excuser la barbarie d’aucun des deux camps.

Pour autant, les approximations sémantiques sont loin de se résumer à ce débat essentiel. Il en est ainsi de l’utilisation des termes « guerre entre Israël et le Hamas », qui est la reprise sans distanciation de la position israélienne et de larges pans du monde politique. Les lecteurs, y compris de médias de gauche engagés pour l’application des résolutions de l’ONU auront noté que ceux-ci ont utilisé ce raccourci tout sauf anodin.

Pour beaucoup de journalistes, la contextualisation historique du conflit actuel, qui n’est en fait qu’un épisode d’une guerre ouverte il y a plus de 75 ans, une « bataille » aurait peut-être dit De Gaulle est exclue dans les premières semaines et apparaît progressivement dans le traitement du conflit. Au fond, ce que nous voulons dire, c’est que toutes imprécisions et toutes les mal-précisions, volontaires ou involontaires relevant du champ sémantique appellent une distorsion du sens et ouvrent à une possible manipulation de masse alors même qu’en ces jours qui ont suivi la barbarie du 07 octobre, l’ensemble des lecteurs, auditeurs et spectateurs de l’information étaient soumis à une double aliénation : celle de la sidération de l’horreur perpétrée et celle de la bataille idéologique menée à l’échelle planétaire pour gagner l’hégémonie quant à l’interprétation et à la signification de ces actes. Une sidération relayée abondamment et souvent sans filtre par les médias – sans prise de distance – et les injonctions des pouvoirs reprises sans toujours de recul et, particulièrement par la quasi-totalité des autorités politiques et « morales » en France. Deux, à titre d’exemple, retiennent notre attention : reprenant la qualification de terroriste – vue plus haut sur l’aspect sémantique – le fait que le pouvoir et nombre de déclarations en ait fait un mantra, une forme « d’allégeance » pour trier le bon grain de l’ivraie, de ceux dignes d’appartenir à la communauté nationale voire à la civilisation n’a pas, dans ce premier temps, fait s’émouvoir beaucoup de journalistes, ce qui a conforté l’idée que certains s’excluraient ainsi de l’arc républicain… Sic ! Peut-on avancer que crime de guerre ou crime contre l’humanité soient des modes de qualification des faits de guerre (documentées par les instances juridiques internationales) et qu’en miroir le terme de terroriste soit un mode de disqualification utilisé idéologiquement, plus pour discréditer que pour réellement définir ? L’autre point que nous voulons soulever, qui prend tout son sens et sa pertinence trois semaines après le jour fatidique, c’est l’hommage et le soutien inconditionnel à Israël imposé notamment à l’Assemblée Nationale : combien de journalistes, combien d’organes de presse ont dès le début des évènements au moins poser les guillemets moraux et déontologiques à une telle prise de position portée également par le Président de la République ? Évidemment, deux mois après le déchaînement des violences des forces armées israéliennes sur Gaza, mais également des violences exercées sur les Palestiniens vivants en Cisjordanie, la signification de ce qualificatif prend une tout autre ampleur et dévoile la posture politique de celles et ceux qui se sont engouffrés dans ce soutien à sens unique.

Pour terminer, s’il fallait souligner le deux poids deux mesures dans le traitement de l’information, la reprise encore et encore du « petit nom » de l’armée israélienne « Tsahal » acte une forme de proximité presque affective alors même que ce nom fait référence à la Haganah de sinistre mémoire pour le peuple palestinien.

Enfin, qu’en est-il de l’équilibre dans le traitement de l’information quand il apparaît naturel d’affirmer le droit pour l’État d’Israël à se défendre quand on appelle de toutes parts les Palestiniens à la retenue et à la résilience ?

Décidément, la première victime des guerres est encore et toujours la vérité !

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