Le rassemblement de la gauche en tant que concept fondateur

Roger Hillel, 11 mai 2024

Il sera question ici du rassemblement à gauche, la gauche en référence au clivage, resté pertinent en sociologie, entre les valeurs de gauche et celles de droite.

La gauche en France est constituée de trois pôles : le politique, le syndical et l’associatif. Les composantes de chaque pôle sont, pour certaines anticapitalistes, pour d’autres résolument réformistes, mais toutes sont qualifiées de progressistes. Je m’en tiendrai ici au pôle politique, tout en considérant que l’articulation entre les trois pôles est une question à examiner ultérieurement.

Pour l’heure, le pôle politique est constitué de six composantes : cinq partis:, Les Écologistes, LO, NPA, PCF, PS et un mouvement : LFI (il existe aussi quelques petits partis. Cf ma note infra*) . Il importe de préciser que toutes ces composantes associent la participation aux élections aux autres modalités du combat politique. A l’exception peut-être de LO et NPA, elles conçoivent la voie des urnes comme la possibilité de conquérir les pouvoirs législatif et exécutif. Elles font leur, avec des nuances notables, le concept de la lutte des masses. Certaines, de façon plus ou moins assumée, se réclament de la lutte des classes. Dans chacune des composantes de ce pôle politique, il existe des courants, plus ou moins importants, de transformation sociale ayant pour objectif une alternative au capitalisme

Le décor est planté.

Je tiens le rassemblement à gauche comme un concept fondateur du combat pour une visée communiste. Le rassemblement, tel que je le conçois, n’est pas un objectif courtermiste, limité à une élection ou à un combat particulier. Il n’est pas seulement nécessaire pour combattre la droite, pas seulement incontournable pour faire barrage à la fascisation de la société. Je le pose comme la condition absolue pour aller vers une société débarrassée des trois fléaux du capitalisme : exploitation, domination, aliénation.

Peu importe si, présentement, toutes les composantes ne sont pas convaincues de la nécessité du dépassement du capitalisme. C’est dans la dynamique du rassemblement que se résoudront, ou pas, ces contradictions. Encore faut-il commencer par le construire. Point n’est besoin que dès le début toutes les composantes soient décidées à initier cette construction, mais pour celles qui y seraient disposées, il leur faudrait faire le bilan de ce qui leur est commun ou de ce qui pourrait l’être en écartant les éventuels malentendus. Il leur faudrait n’occulter aucun désaccord, en prendre acte et en appeler aux citoyennes et citoyens pour les trancher. Le rassemblement n’existera pas s’il n’est pas capable d’inventer des procédures délibératives populaires pour, en dernier ressort, faire des choix. Cette démarche ferait que la question des compromis, ou des concessions réciproques, n’aurait plus de sens.

Souvent nous aimons à dire que nous ne partons pas de rien. Je pense qu’en la matière, nous partons de rien, ou presque. Il n’y a jamais eu, ou à peine, de rassemblement authentique. Ni le Front populaire, ni le CNR de 45, ni l’union de la gauche du début des années 70, encore moins celle du début des années 80, ni mai 68, peut-être une esquisse en 2005 avec les CUAL (collectif unitaire antilibéraux), ni la NUPES. Il s’est agi, selon les cas, d’alliances, de coalitions, d’unions, mais jamais de rassemblement. Ces expériences ont capoté car les forces qui y étaient impliquées, étaient toutes dominées par l’esprit de concurrence, de prédominance, d’hégémonie. Que ce soit, entre les tenants des courants réformistes et ceux de transformation sociale, entre ces derniers et les nouveaux courants contestataires apparus à partir de 1968. Chacun de ces échecs mériterait une analyse particulière.

J’ai traité ici du rassemblement concernant le pôle politique de la gauche. Il resterait à examiner une question encore plus complexe portant sur les rôles respectifs des pôles syndical et associatif. Je pense qu’il n’y aura pas de rassemblement possiblement victorieux dans un avenir plus ou moins lointain, sans concevoir une articulation nouvelle entre les trois pôles. C’est une problématique sur laquelle je n’ai pas connaissance de réflexions importantes de la part des organisations existantes et peu de travaux de philosophie politique.

*Je n’insisterai pas sur l’existence à côté de ces partis\mouvements, de partis à géométrie variable qui ont, pour la plupart, étaient créés par des personnalités qui ont quitté le PS. Le seul qui aura réussi à créer un parti, le PG, point de départ d’un mouvement durable et influent, restera Jean-Luc Mélenchon. Mais à côté, il y aura eu Gérard Filoche avec La gauche démocratique et sociale, Benoît Hamon avec Génération.s, Marie-Noëlle Lienneman avec le Mouvement républicain et citoyen. Ce dernier est devenu la Gauche citoyenne et socialiste avec Emmanuel Maurel. Il y a encore L’engagement créé par Montebourg. Il ne faudrait pas oublier Les radicaux de gauche qu’il faut renoncer à qualifier tant ses fluctuations sont déroutantes.

2 réflexions sur « Le rassemblement de la gauche en tant que concept fondateur »

  1. RASSEMBLEMENT DE LA GAUCHE (SUITE) 
    LA LDH DONNE LE LA
    Roger Hillel, 21 mai

    La LDH vient de tenir son congrès. C’est par un entretien donné à L’Humanité par sa nouvelle présidente, Nathalie Tehio, que j’ai appris que le congrès avait adopté une résolution, qualifiée par elle de « principale », qui « concerne la démocratie » Je la site : « Nous pensons qu’il y a une urgence à réagir face au tournant historique que constitue la montée en puissance des idées d’extrême droite dans notre pays. »Elle ajoute : « il s’agit de rassembler les forces capables de proposer une base théorique pour un autre logiciel politique et idéologique ». 70 organisations ont répondu à l’appel de la LDH, parmi lesquelles :les syndicats CGT, CFDT, Solidaires, FSU, lConfédération paysanne, lSyndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM), et les associations, Attac, Greenpeace, Oxfam ou la Cimade. 

    C’EST DU JAMAIS VU.
    Leur objectif est de nature qualitativement nouvelle au regard des habituels rassemblement pour des luttes ciblées. « L’idée, explique Nathalie Tehio, est de constituer une sorte de lobby d’intérêt général pour faire en sorte qu’advienne une alternative politique crédible et désirable en 2027. » Elle précise que : « Sans pour autant nous allier à aucun parti politique, ce qui, je le reconnais, est une ligne de crête difficile à tenir. L’enjeu est de construire une force de résistance et de propositions, comme cela a pu être fait en d’autres temps ».
    Dans mon précédent texte je plaidais pour un rassemblement de la gauche en tant que concept fondateur. Après avoir précisé que, dans un premier temps, je ne m’intéressais qu’à l’un des trois pôles constitutifs de la gauche, le pôle politique, avec l’intention de revenir ultérieurement sur les deux autres pôles, le syndical et l’associatif. j’avais pris soin d’indiquer que : »il n’y aura pas de rassemblement possiblement victorieux dans un avenir plus ou moins lointain, sans concevoir une articulation nouvelle entre les trois pôles. » Je ne me doutais pas que la LDH allait produire une réflexion aussi avancée et interpeller aussi vigoureusement toutes les composants du pôle politique.

    Je reproduis un extrait de la résolution adoptée avec 437 votes pour, 0 contre, 12 abstentions.
    https://www.ldh-france.org/bordeaux-2024-la-ldh-se-lance-dans-la-bataille-du-rassemblement-contre-lextreme-droite/

    Aujourd’hui, notamment à l’approche des élections de 2027, nous sommes face au défi d’un vote pour l’extrême droite plus haut que jamais. La LDH refuse de considérer l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir d’Etat comme inéluctable. La politique néolibérale menée ces dernières années au service des intérêts financiers, avec une succession de lois régressives, s’est accompagnée, en particulier avec la loi immigration, d’une rupture assumée vis-à-vis de l’Etat de droit (ce jusqu’à la caricature, en considérant que c’était au Conseil constitutionnel d’intervenir là où le gouvernement assumait de voter des mesures non constitutionnelles). Cette politique alimente le discours d’extrême droite tout autant qu’elle s’en nourrit. Elle rend inopérante la possibilité de battre l’extrême droite dans les urnes autour d’une candidature issue de l’approche néolibérale. La LDH affirme que seule une alternative politique progressiste est susceptible d’agréger l’ensemble des refus de l’extrême droite au second tour de l’élection présidentielle et de mobiliser la diversité de celles et ceux qui veulent vivre dans une société guidée par l’objectif d’assurer tous les droits à toutes et tous.
    La LDH considère que les fortes mobilisations de ces dernières années, ayant couvert les préoccupations dans le champ social, environnemental, des droits des femmes, des droits de toutes les personnes discriminées, en défense des libertés individuelles et des libertés publiques, contre les violences policières…, traduisent les aspirations collectives à une société inclusive, d’égalité, de solidarité. Elles doivent être amplifiées et être au fondement de l’alternative à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.
    Ces mobilisations tracent la voie à suivre pour des politiques publiques qui recréent les liens dont notre société a besoin, alors que leur absence la désagrège. Les exigences, mais aussi souvent les initiatives concrètes de solidarité qui leur sont liées tracent une perspective d’extension des champs de la coopération et de la justice sociale comme instruments de participation civique. Avoir une alternative politique qui corresponde à ces mobilisations est l’enjeu majeur pour pouvoir défaire les approches sociétales tracées tant par l’approche néolibérale que par celle de l’extrême droite.
    La LDH fait partie de celles et ceux qui ne se résignent pas à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Elle souhaite participer à l’émergence d’une nécessaire convergence entre, d’une part, ce que portent les mobilisations organisées par les syndicats, les associations, les mouvements sociaux et, d’autre part, une offre politique inscrite dans une perspective porteuse d’émancipation, d’égalité, de solidarité, d’une société inclusive, de démocratie, de libertés publiques.
    Construire cette convergence indispensable pour tenir l’extrême droite hors de la sphère du pouvoir d’État n’a rien d’une évidence. La LDH considère que c’est à partir de leurs pratiques rassemblant une diversité d’opinions présentes dans la société qu’associations et syndicats se doivent de peser maintenant sur les forces politiques qui dans leur diversité interviennent et se reconnaissent dans ces combats pour une société de tous les droits pour toutes et tous.
    La LDH appelle toutes et tous, collectivement, à travailler au rassemblement contre les idées d’extrême droite et ceux qui les portent, à même d’en assurer la défaite en 2027 sur la base d’un nouveau contrat social structuré par les solidarités, fait d’inclusion, de refus des discriminations, respectueux des libertés publiques et promouvant la démocratie. La LDH affirme que c’est la présence d’une telle « offre politique » qui peut rassembler pour assurer la défaite de l’extrême droite dans les urnes.

  2. Il m’a été fait remarquer que dans la liste des composantes du pôle politique, j’avais omis de citer « Ensemble ». J’étais persuadé que cette organisation avait un statut associatif. C’était une erreur. Il s’agit bien d’un parti politique. de sorte qu’il me faut corriger :Pour l’heure, le pôle politique est constitué de sept composantes : six partis:, Les Écologistes, Ensemble, LO, NPA, PCF, PS et un mouvement : LFI

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