Par Laurent LÉVY
À de nombreuses reprises, quand il était une force significative porteuse d’espoirs et représentait effectivement les classes populaires de ce pays, le PCF a fait l’objet d’attaques médiatiques à flots continus de la part de ses adversaires, sur le fondement de son fonctionnement interne.
Pour ne parler que de l’après-guerre, on peut penser aux “affaires” Marty, Lecœur, Casanova, Servin, ou Garaudy. Je précise qu’aucun d’entre eux (à l’exception sans doute de Servin) ne m’inspire une particulière sympathie : Marty et Lecœur, par exemple, étaient des staliniens bon teint, brutaux, excessifs et sectaires, mais leur traitement a été ignominieux, le premier qualifié de flic, le second de traitre. Tous ont été chassés de leur parti ou mis à l’écart avec une violence dépourvue d’états d’âme.
Pour autant, il est certain que ce n’est pas la raison qui motivait les campagnes contre le parti communiste auxquelles leurs évictions ont donné lieu. S’il tendait les verges pour se faire fouetter, c’est ce qu’il représentait dans la vie politique, qui était en cause.
Plus tard, à la fin des années 1970, quiconque écrivait un livre du genre “J’ai fouillé dans leurs poubelles”, ou “Ah là la que c’était dur la vie au Parti”, ou “Enfin libre! J’étais communiste, je ne le suis plus” avait la garantie d’une promotion par une presse enthousiaste. Enfin, en voilà un qui a compris ! Bravo !
Souvent, ce que dénonçaient ces “ex” relevait de la pure vérité. Il n’en étaient pas moins instrumentalisés au profit d’une cause qui n’était pas toujours la leur : celle de la lutte, non pas contre les fautes commises à leur égard ou contre les tares dans le fonctionnement du parti communiste, mais contre le principe même d’une politique visant à l’émancipation du genre humain. Et la machine s’emballait.
Ce n’est que sur fond d’un affaiblissement drastique de son influence que le PCF a changé ses pratiques en la matière, et quand il a renoncé à exclure ses opposants, il n’était déjà plus que l’ombre de lui-même : un “retard” de plus. La violence même des campagnes menées contre lui l’avait plutôt conduit à resserrer les rangs, et à les dénoncer sans s’interroger sur leur fond rationnel. La mauvaise foi qui les animait y faisait obstacle. Le Parti faisait front contre la meute qui se déchainait contre lui : réflexe aussi naturel que mortifère.
C’est aujourd’hui contre LFI que la meute se déchaine. J’ai toujours été – et c’est un euphémisme – réservé sur le fond de la stratégie de cette organisation comme sur la personnalité de son leader. Là n’est pas la question. Les témoignages et les enquêtes qui se multiplient, et dont je doute que leur contenu puisse être démenti, n’ont pas pour but de la rendre démocratique dans son fonctionnement : massivement, elles visent à nuire à la gauche dans son ensemble, en rendant impossible son unité.
Que LFI tende à ses adversaires des verges pour se faire fouetter est une chose. Que les ennemis de toute transformation sociale s’en saisissent et frappent à bras raccourcis, c’est naturel : chacun son rôle. Que ce mouvement “insoumis” ait tout à gagner à modifier son fonctionnement comme sa rhétorique, et que ceux et celles qui veulent que s’ouvre une alternative y ait également intérêt, j’en suis certain. Mais qu’à gauche, on hurle avec les loups est une chose qui n’est pas seulement détestable : à l’heure où toute la racaille de la droite et de l’extrême-droite se lèche les babines et voit s’ouvrir à elle un avenir radieux, c’est une chose délétère, absurde, nuisible.
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