Pas de monde nouveau sans révolution démocratique

Par Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous vivons une désaffection croissante de la vie politique, un désamour des élus et un attrait croissant pour les populistes fascisants. Le phénomène touche la plupart des vieilles démocraties occidentales qu’elles soient de type parlementaire ou présidentiel. Ce qui est en crise très sérieuse c’est la démocratie représentative, lente construction où la bourgeoisie a fini par accepter le suffrage universel, mais a organisé sa domination sur le peuple réel.

D’une part l’activité économique ne fait pas partie des textes constitutionnels, dont la seule évocation par exemple en France depuis 1789 est que la propriété est sacrée… d’autre part les citoyens sont requis pour élire leurs représentants, mais ceux-ci se substituent aux citoyens pendant toute la durée du mandat. Donc quand les conditions de vie se détériorent, que les promesses ne sont pas tenues, que des politiques attisent eux-mêmes les haines et les peurs, on récolte l’abstention, des « chefs », le fascisme, le nazisme. . .

La constitution de 1958 était présentée par ses initiateurs comme l’antidote à l’instabilité de la IVe République et donc à l’impuissance des pouvoirs publics. En réalité elle visait à assurer le pouvoir de de Gaulle et des gaullistes, et à affaiblir le parlement, dont de Gaulle se méfiait, d’autant plus qu’après les tourments de la décolonisation, il s’agissait de mettre fin aux politiques sociales issues du Front populaire et des élus de la première législature de la IVe République.

Cette constitution dès son origine est antiparlementariste, le domaine de la loi est limité, les pouvoirs de l’exécutif très étendus ; avec l’élection du Président au suffrage universel en 1962 se concrétise la conception gaullienne des institutions : le président est le chef de l’exécutif, il dispose de pouvoirs importants, le Premier ministre lui est redevable.

Aucun de ses successeurs n’a envisagé de modifier cette architecture dont F. Mitterrand avait dit en 1964 « qu’elle était un coup d’État permanent ». Avec la réforme Jospin, censée empêcher les périodes de cohabitation (!) qui fait suivre l’élection des députés de celle du Président, consacre la primauté de l’élection présidentielle et la prééminence du Président sur le Parlement.

On dit souvent « les Français ne connaissent que leur maire et le président de la République » !

Cette concentration du pouvoir, dont les citoyens sont tenus à distance a largement contribué à « faire passer » la révolution néolibérale à laquelle une partie de la Gauche s’est ralliée, au nom de l’Europe (tournant de 83), alors que le chômage augmente, la pauvreté s’installe et que s’exprime une nouvelle combativité, dès le deuxième septennat de F. Mitterrand : les jeunes en 94 contre le CIP, les salariés contre la réforme Juppé sur les retraites, et de nouvelles formes de luttes avec l’émergence des « sans », sans papiers, sans-abri, avec le tissu local associatif et la naissance de l’Altermondialisme, projet enthousiasment pour la jeunesse qui a eu d’ailleurs des suites.

  1. La crise des « politiques 

La gauche historique est divisée et affaiblie. Le PS en pleine mutation libérale. Le PCF divisé entre les tenants d’un pôle de radicalité autour du PCF et un contrat de gouvernement avec le PS.

En fait les Partis politiques au pouvoir ou candidats au pouvoir, n’ont tenu aucun compte des évolutions en cours: la désaffection des citoyens pour la politique et les élus qui touchent les catégories populaires et les jeunes, principales victimes de la mondialisation libérale, et un transfert significatif de l’électorat populaire de droite vers l’extrême droite.

Le score de J-M. Le Pen au premier tour de la présidentielle en 2002 (16,86) à derrière J. Chirac (19,89), et devant L. Jospin (16,18) a été un choc, a fait sortir 2 millions de personnes dans la rue et mobilisé pour le second tour pour J. Chirac. Certes beaucoup de monde, notamment à gauche, mais pas seulement ont considéré qu’il fallait hausser le ton contre l’extrême droite, rappeler l’Histoire, bref se bouger ! Mais ce combat n’a pas été mené suffisamment en adéquation avec l’évolution du FN lui-même, surtout après l’arrivée de Marine Le Pen, qui visant clairement son accession au pouvoir s’est concentrée sur les catégories populaires (dont à peu près la moitié vote à droite ), en les détournant des luttes sociales et en leur désignant des « coupables ».

À droite, évidemment, on a cru bon « pour garder son électorat populaire » de reprendre des thématiques agitées par le FN. J. Chirac n’avait-il pas parlé « du bruit et des odeurs » dans un discours en 1991 ? Mais hélas il n’y a pas que la Droite. Avant lui M. Rocard avait proclamé « que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » et G. Marchais avant lui avait dit qu’il fallait « stopper l’immigration » compte tenu du chômage.

Céder à la facilité en reprenant d’une façon ou d’une autre les thèmes de l’adversaire profite à l’adversaire !

En réalité, la démocratie représentative, aggravée en France par la priorisation de l’élection présidentielle, est devenue un obstacle à la démocratie, c’est-à-dire le droit des citoyens, informés de décider en connaissance de cause, dans un environnement médiatique, piloté par le pouvoir politique et le pouvoir économique !

À gauche, la critique du carcan institutionnel s’est peu à peu exprimée ouvertement sous des formes diverses : des prises de position d’élus, comme A. Montebourg député socialiste, qui en 2005, avait écrit en collaboration avec le professeur de Droit membre d’ELV B. François, Réconcilier les français avec la Démocratie (Édition Odile Jacob 2005), ou A. Bellon, autre député socialiste, qui à la suite du mépris du pouvoir après le référendum sur le TCE a créé une « Association pour une constituante ».

Au Parti communiste, qui avait appelé à voter contre la constitution de 58, et souvent critiqué le déséquilibre des pouvoirs, la direction nationale avait adopté en 2000 un texte élaboré par un collectif piloté par par P. Cohen Séat, comprenant des élus, des économistes, juristes, syndicalistes , intitulé « Pour une démocratisation permanente de la République ».

Le professeur de Droit constitutionnel Dominique Rousseau, à l’époque membre du Conseil supérieur de la magistrature, auteur de La Ve République se meurt vive la démocratie (Odile Jacob 2007) et de Radicaliser la démocratie (Seuil 2015) a apporté beaucoup à la réflexion.

  1. Des occasions manquées

Les citoyens ont apporté aussi beaucoup. En 2005 quand ils ont été appelés à se prononcer sur le TCE (referendum obligatoire pour les traités) et qu’à gauche l’union a réussi à se faire entre ceux qui refusaient la plongée dans le libéralisme débridé, une partie des socialistes, le PCF, le NPA, et qu’ils ont ensemble mené une vraie campagne non seulement dans des meetings, mais en direct avec la population, arguments et documents à l’appui, le résultat attendu, vu le poids de la droite, l’abstention habituelle aux élections européennes n’a pas eu lieu, le NON l’a emporté.

Cette expérience a montré, s’il en était besoin, la nécessité de démocratiser dans tous les domaines les prises de décision à tous les niveaux. Mais le résultat ne rendait pas la gauche unie et majoritaire ! La bourgeoisie qui a voulu l’Europe libérale a su rassembler une majorité droite/PS pour faire adopter le traité de Lisbonne, « copie du précédent ».

Le rassemblement qui avait permis le Non n’a pas tenu, les socialistes en sont partis et la gauche de transformation n’a pas été capable de prolonger l’expérience de 2005 par un rassemblement citoyen .

En fait, présidentialisme, modes d’élections, pratiques des élus et des partis politiques se conjuguent pour tenir les citoyens à distance ! La gauche a bien senti au travers des mouvements sociaux, des initiatives prises par les citoyens eux-mêmes, qu’il fallait  « faire quelque chose » : la démocratie participative « totem » de S. Royal est devenue un projet de pratique nouvelle au moins pour les élus locaux. En fait elle a été très limitée, sauf initiative propre des élus, à des consultations non décisionnelles et à des budgets participatifs très limités. Quant aux partis politiques, qui eux même n’ont pas toujours des fonctionnements démocratiques, ils ont du mal à s’insérer dans des initiatives qui ne viennent pas d’eux.

N. Sarkozy vainqueur de l’élection présidentielle, après une campagne électorale spectaculaire (très onéreuse) a inauguré une nouvelle étape du présidentialisme : il a voulu instaurer un lien direct entre Président et les Parlementaires (réunion à Versailles une fois par an), convocation des parlementaires de la majorité à l’Élysée, jusqu’à traiter le Premier ministre (F. Fillon) de « collaborateur ».   Il a mené une politique en faveur des plus riches, et inauguré aussi l’exploitation des faits divers pour justifier des reculs démocratiques, des débordements policiers, des peines de prison plus lourdes. La loi de 2006 sur l’immigration instaurait l’immigration choisie avec un système de quota, la France cherchant les compétences et les talents, ce qui était déjà son « crédo » quand il était ministre de l’Intérieur. Il avait fait dans sa campagne électorale une bonne place à l’identité nationale, et une fois élu a créé un ministère de l’immigration, de l’identité nationale et de l’intégration, confié à son ami B. Hortefeux. Il était aussi adepte des formules  choc « travailler plus pour gagner plus, « les racailles » de banlieue. . . . qui ont sans doute inspiré E. Macron !

Les mobilisations n’ont pas manqué, des millions de personnes sont descendues dans la rue, contre la réforme des retraites, ou encore l’autonomie des Universités, mais le contexte de division syndicale et d’impuissance politique à gauche, n’était pas favorable à un bouleversement démocratique des Institutions.

À l’issue de son mandat, ses électeurs les plus populaires l’ont abandonné.

À Gauche le départ du PS de J-L Mélenchon et de ceux qui l’ont suivi a rendu possible une nouvelle tentative de rassemblement de la gauche de gauche auquel voulait oeuvrer le PCF et divers courants antilibéraux. Le Front de Gauche a donné de l’espoir. Le projet élaboré en commun était en rupture claire avec les politiques libérales, il parlait aux jeunes et à ceux qui s’étaient mobilisés et qui avaient été méprisés. Il proposait clairement une nouvelle façon de faire de la politique, avec un changement institutionnel que les Français auraient à décider par une constituante. Le « projet » de VIe république a fait mouche et a dynamisé les meetings du candidat du Front de gauche (FDG) aux élections de 2012. Le résultat a été prometteur avec prés de 12%, mais bien insuffisant pour  « changer la donne ».

F. Hollande élu au deuxième tour avec les voix du FDG, en se proclamant ennemi de la finance et promettant beaucoup de changements dans le pays n’a tenu aucune promesse. Certes le pays a été profondément marqué par les terribles attentats perpétrés sur notre territoire, et le gouvernement en place a dû faire face. Mais le quinquennat de F. Hollande a été pour nos concitoyens une politique de renoncement social, le mépris du mouvement social très important et populaire contre la loi El Komri qui limitait les droits des salariés, des signes désastreux de politique sécuritaire dans les manifestations… Il a même donné du grain à moudre à l’extrême droite en proposant la déchéance de nationalité.

  1. La Gauche en sursis

La social-démocratie a «  touché le fond » à la présidentielle de 2017, après ce quinquennat et le départ d’une partie de ses élus dans l’aventure Macron, menée de main de maître, grâce aux moyens énormes déployés par les grands groupes économiques qui veulent promouvoir leur favori. Les campagnes de N. Sarkozy avaient donné le ton !

Ce qui était caractéristique, c’était la faiblesse de ce qui a été la gauche, 6, 36 pour le PS et 19,58 pour J-L. Mélenchon auquel s’était rallié in extremis le PCF. Faiblesse politique, ses divisions, son incapacité à regagner la confiance populaire par un projet social et démocratique.

Si la mobilisation des citoyens à l’élection présidentielle reste relativement forte (79%), l’abstention atteint des sommets aux législatives : 51,29% au 1er tour (56,83 au 2e) avec un taux de 65% chez les 25/34 ans et 66% chez les ouvriers.

Ces taux de participation sont calculés sur les inscrits, or le total avec les non inscrits ou mal inscrits est beaucoup plus important. Notre « démocratie » comme aux USA fonctionne avec moins de la moitié des citoyens. . .

Ce premier quinquennat d’Emmanuel Macron, hyper présidentialiste, dans la mesure où ses ministres et beaucoup des élus de sa majorité lui devaient leur arrivée au pouvoir et souvent n’avaient pas d’expérience de terrain, a encore affaibli la démocratie, mais la gauche, faible et divisée, n’a pas repris le flambeau de l’urgence démocratique. Pire, elle est passée à côté des mobilisations populaires, qui se sont développées de façon nouvelle, hors des canaux syndicaux et politiques, notamment le mouvement des gilets jaunes, d’une ampleur et d’une durée inédite, en créant lieux de rencontre dans de très nombreux départements, où se réunissait petit à petit beaucoup de monde rassemblant des villages, qui discutaient et décidaient des actions à mener ensemble (à la stupéfaction des élus locaux). Certes les acteurs étaient eux-mêmes éloignés des syndicats et des élus nationaux et à gauche on y voyait du poujadisme ou du FN. Or dans ce mouvement émergeait un appel à la reconnaissance du pouvoir populaire, seul détenteur en définitive du droit de choisir, qu’ils ont exprimé en revendiquant un référendum d’initiative citoyenne (RIC), qu’il fallait entendre.

La gauche n’a pas saisi non plus les mobilisations particulièrement fortes de la jeunesse, pour la planète, pour l’égalité femmes/hommes… avec la critique du système nommé « capitalisme ». Certes la gauche dite de transformation soutenait ces mobilisations, mais elle n’a pas tiré les conséquences de la contradiction croissante entre cette montée de colère sociale et les forces politiques censées porter des réponses et surtout un chemin et un espoir.

En 2020, l’enquête annuelle du Cevipov montre que 45% des personnes interrogées souhaitent que le Capitalisme soit réformé en profondeur, en hausse de 6 points en un an, ou encore que les services publics sont plébiscités (de 60 à 80%), mais les marqueurs politiques sont négatifs et en baisse depuis la présidence Macron et l’épreuve de la longue période Covid : 19% se reconnaissent de gauche et 3% d’extrême gauche, en forte baisse depuis 2017, 27% de droite, 9% d’extrême droite, 20% du Centre et 22% ne sait pas et on peut supposer qu’une partie vote FN.

Cette période qui a bouleversé pas mal de choses dans la vie des gens (en particulier pour les plus modestes), et la gestion présidentielle du « ni gauche ni droite » entachée de plusieurs affaires et de mépris pour les catégories populaires a encore détérioré le rapport des citoyens à la politique: en avril 2020, 72% des personnes interrogées estiment que le style de vie des Français est menacé, qu’il faut se protéger du monde extérieur, qu’il faut arrêter l’immigration, ou encore, s’ils considèrent à plus de 57% que la démocratie fonctionne mal, ils sont 34% à vouloir un « homme fort » et 81% un exécutif fort en temps de crise.

L’absence de démocratie, c’est à dire un fonctionnement démocratique horizontal qui permet aux citoyens de débattre et d’intervenir dans les décisions dans tous les domaines, les idées véhiculées par l’extrême droite depuis son rebond, confortés par la droite qui lui court après et ainsi de suite… Certes le capitalisme mondialisé possède de moyens de plus en plus sophistiqués pour diffuser les idées qui lui sont nécessaires, donc dans le contexte contemporain, les peurs de l’avenir, les régressions sociales et le repli face aux plus pauvres qui « frappent à la porte », mais surmonter ces obstacles ne peut se faire sans apporter aux citoyens des idées et des moyens d’agir.

À gauche, après le départ de nombreux socialistes en Macronie, les Partis concernés, tétanisés, ont préféré jouer leur survie à la future présidentielle plutôt que l’union et une campagne sur l’urgence de démocratie citoyenne pour donner des suites aux colères populaires. . . . On connaît la suite, les résultats ont été catastrophiques pour la gauche sociale-démocrate, le PCF n’a pas amorcé sa « remontada » annoncée, l’abstention est encore montée d’un cran ainsi que l’extrême droite (Le Pen et Zemour). Les 22% de Jean Luc Mélenchon, et l’union aux législatives a permis à la gauche d’avoir plus de députés que les rapports de force à la présidentielle ne pouvaient le prévoir, la création de la NUPES, ont donné quelque espoir, mais ce qui est est le plus marquant des résultats de cette séquence électorale, c’est le nombre de députés Rassemblement national, 88, alors que la droite dite républicaine n’en a plus que 62, et que le Président de la République ne dispose que d’une majorité relative. Dès lors le mécanisme institutionnel qui permet à l’exécutif de passer outre les oppositions du Parlement ont été mis en œuvre notamment l’article 49-3.

Le « en même temps » d’E. Macron a fait long feu, sa politique est résolument à droite et il a réussi à faire passer sa réforme des retraites, malgré les formidables rassemblements de la population organisés par les organisations syndicales unis pour la première fois depuis 10 ans. Les jeunes ont largement participé aux mobilisations et d’ailleurs les syndicats ont accueilli de nouveaux adhérents et sont remontés dans l’estime de la population. Les partis de gauche, soutenaient le mouvement, mais n’ont pas su trouver la parole politique permettant d’ouvrir le débat sur le changement démocratique.

En fait le rapport des Français aux élus et aux partis politiques s’est encore détérioré. Les deux grandes enquêtes nationales annuelles, Ipsos et Cevipov montrent encore une dégradation tangible entre 2022 et 2023 : la confiance envers les élus est toujours positive (53%) pour les élus municipaux, mais en baisse, les députés (28%°), en baisse aussi, 58% considèrent que la plupart des politiques sont corrompus, et 75% qu’ils agissent par intérêt personnel, en hausse aussi.

La confiance pour les syndicats est de 36%, pour les médias 28%, de 16% pour les partis politiques et les réseaux sociaux, seules les associations ont une confiance positive 67% et qui ne baisse pas.

Pourtant les enquêtes montrent que les citoyens envoient d’autres signes auxquels il faudrait s’intéresser : 44% pensent que le capitalisme devrait être réformé en profondeur, plus que tous les autres pays européens… 76% qu’il est utile de voter, et 68% estiment que la démocratie fonctionnerait mieux si les citoyens, les syndicats, les associations étaient associés aux grandes décisions. Il y a sans doute beaucoup de contradictions, mais il serait utile justement de s’y atteler.

Dans un environnement international troublé, un monde dangereux, il est facile d’attiser les peurs et le repli. E. Macron a comme N. Sarkozy en son temps exploité toutes les violences de rue, tous les faits divers pour alimenter le sentiment d’insécurité et légitimer des réponses de plus en plus répressives, sous la houlette de G. Darmanin. Il a aussi réussi l’exploit de mettre sur le même plan au parlement LFI et RN pour les distinguer de la Gauche et Droite républicaine, avec lesquelles il pouvait composer !

Le résultat en très peu de temps, est un désordre total, et une dérive qui paraissait impossible de revoir en France: la légitimation de l’extrême droite par la Droite LR et macroniste, dont le vote de la loi sur l’immigration est le dernier exemple. Le chef de l’État légitime cette loi, qui bafoue les valeurs chèrement conquises par notre pays, par la « volonté » populaire : les Français veulent cette loi ! Il faut toutefois préciser que la première préoccupation des Français n’est pas l’immigration, mais le pouvoir d’achat, et la deuxième la sécurité qui recouvre beaucoup de questions, mais que l’extrême droite, la droite et le gouvernement actuel déportent essentiellement sur l’immigration et le laxisme de la Justice. On mesure avec cette question, la responsabilité des médias, et aussi le poids des réseaux sociaux !

F. Héran, professeur au Collège de France où il occupe la chaire « migrations société » a publié en 2023 Immigrations, le grand déni (Seuil 2023) qui contredit le discours ambiant, non pas sur les migrations qui sont en hausse, mais sur la situation de la France qui est en queue des pays européens pour l’accueil. Comment les citoyens sont-ils informés de la réalité ? De la façon dont ils sont traités ? Payés quand ils sont employés sans papiers par des employeurs ?

Cette loi de la honte a été votée avec les voix du RN en sachant que le Conseil Constitutionnel va la sanctionner en partie (du moins faut-il l’espérer).

Comment sortir de cette descente aux enfers qui amènera tout droit l’extrême droite au pouvoir avec l’aide de la Droite et de notre régime présidentialiste ?

Est-ce que l’infamie de la loi sur l’immigration va réveiller « le peuple de gauche »? De nombreuses associations, des intellectuels, se manifestent pour critiquer cette loi et la manipulation de la réalité de l’immigration en France. La CGT a appelé à la désobéissance civile, dans la mesure où cette loi viole le principe de l’égalité des droits pour tous les salariés.

E. Macron a viré du gouvernement ceux qui ont osé critiquer cette loi, et formé un gouvernement franchement de droite dont acte !

Il est grand temps que la Gauche, plus divisée que jamais, toujours en état de faiblesse et chacune de ses composantes occupées à obtenir quelques points de plus aux européennes, et à la prochaine présidentielle, se ressaisisse. Elle doit se rassembler sur ce qu’elle a en commun, pour combattre les idées et projets de l’extrême droite, montrer en quoi celle-ci contribue à détourner les catégories populaires de leurs luttes sociales, par la peur, la haine et la division, au seul profit de la classe dirigeante. Elle doit travailler à un projet cohérent qui corresponde aux revendications populaires et aux grands enjeux du moment, et à sa faisabilité. Ce projet doit être travaillé en commun et présenté aux citoyens pour qu’ils aient la possibilité et le temps d’en prendre connaissance et si possible d’en débattre.

Mais la Gauche doit aussi avoir le courage de constater que la Ve République a gravement affaibli la démocratie et qu’il faut « la repenser ». Cette renaissance démocratique ne peut exister qu’avec la participation des citoyens, leur implication dans les débats qui permette de décider eux-mêmes de ce qu’ils veulent en toute connaissance de cause, c’est à dire, en étant informé, et en exerçant réellement le pouvoir. Il est évident que le changement nécessaire passera par des transformations institutionnelles profondes dans tous les domaines :

  • passer d’un système de délégation de pouvoir à l’intervention des citoyens dans les choix du local au national, non seulement dans le choix de politiques publiques, mais aussi économiques, fonctionnement des institutions publiques et privées ; ce qui implique pour les citoyens information, contradictoire, délibération vote.
  • des élus plus représentatifs, par la proportionnelle à tous les scrutins, le non-cumul des mandats et limitation de leur durée, dé-professionnalisation de la politique.
  • sortir des pouvoirs exorbitants des exécutifs à commencer par ceux du Président de la République sur le législatif.
  • indépendance de la Justice, des médias, de l’IGPN ;
  • permettre aux citoyens d’exercer leur pouvoir de contrôle, ou de choix, après avoir été informés, sous des formes appropriées (expertise, débats)
  • passer de la verticalité à la transversalité, ce qui d’ailleurs concerne la plupart des organisations , les partis politiques, les syndicats. . . . .

C’est aux citoyens de décider de ces transformations, encore faut-il qu’ils en discutent et qu’ils aient la possibilité de choisir. Les composantes de la gauche actuelle, celles qui ont formé la Nupes qu’il faut élargir, ont une grande responsabilité. Soit elles s’unissent- dés les européennes d’ailleurs, pour éviter une nouvelle « victoire » des extrêmes droites européennes- soit elles persistent dans leurs divisions et les quatre ans de politique actuelle d’ici là présidentielle ne feront qu’aggraver le désamour à l’égard de la politique, l’abstention en particulier de la jeunesse, le repli « sécuritaire » et le recours autoritaire.

2 réflexions sur « Pas de monde nouveau sans révolution démocratique »

  1. La contribution de Nicole Borvo présente une évaluation critique de l’histoire politique française de 2005 à nos jours. Le moins que l’on puisse dire, c’est que son analyse est archi connue, et qu’en ce sens elle ne peut susciter de discussions contradictoires salutaires. La situation actuelle est tellement complexe, trouvant ses racines, pour une part, dans la longue séquence politique allant de 2005 à nos jours, qu’il faut absolument sortit des entiers battus, nterroger de façon critique, voire polémique, toutes les phases de cette séquence.
    J’aurais beaucoup à dire de plusieurs annotations de cette contribution, je voudrais seulment m’arrêter sur un point :
    Dans les « occasions manquées », Nicole souligne l’importance du combat de 2005 contre le TCE.et déplore que « Le rassemblement qui avait permis le Non n’a pas tenu, les socialistes en sont partis et la gauche de transformation n’a pas été capable de prolonger l’expérience de 2005 par un rassemblement citoyen » Concluant ainsi, elle élude totalement la responsabilité particulière de la direction du PCF dans cet échec. J’en fais une analyse factuelle très précise dans mon livre Tout ça…Pour ça. Voilà un point décisif qui mérite une discussion contradictoire qui n’ jamais eu lieu parmi les communistes (actuels ou ex).

  2. Je dois avouer que je n’ai pas lu le livre de Roger Hillel. Mais je ne partage pas sa critique de la contribution de Nicole Borvo. Celle-ci souligne l’impérieuse nécessité d’empêcher le RN d’arriver au pouvoir. C’est pour moi une priorité. Quand en 2002 le FN arrive au second tour des présidentielles et obtient 17,8% des voix, et que 20 ans plus tard le RN n’est plus seulement présent au second tour mais recueille 41,5% des voix, et gagne, quelques semaines plus tard , l’élection de 88 députés à l’Assemblée Nationale, pour la première fois, la possibilité d’une victoire du RN à l’élection présidentielle n’est plus exclue . Et , comme le souligne Jérome Fourquet dans son livre (la France d’après), « sa progression spectaculaire ….mériterait à tout le moins d’avantage d’analyses sur ce qu’elle révèle ». J’ajouterais  » d’avantage de débats à gauche sur comment la contrer quand l’addition des voix recueillies aux dernières élections présidentielles par les candidats du PS et de LR, – les deux grands partis politiques qui ont dominé la vie politique pendant les cinquante dernières années et poussaient au vote utile par leur statut reconnu de partis de gouvernement – , ne représente que 6,5% des votes exprimés.
    L’autre intérêt majeur de la contribution de Nicole Borvo est de nous appeler à « repenser la démocratie » et débattre sur comment « passer d’un système de délégation de pouvoir à l’intervention des citoyens, du local au national ». Dans la grande enquête IPSOS-Fondation Jean Jaurès, sur la société société idéale souhaitée par les Français, 59% des répondants veulent changer la société, dont plus d’un sur quatre (16%), la changer radicalement. Parmi les ouvriers, ils sont même 25% à vouloir la changer radicalement. Or, comme le rappelle Nicole Borvo, 16 % seulement des citoyens font confiance aux partis politiques pour répondre à leurs aspirations. Et à la question « Parmi les systèmes de gouvernement, lequel à votre préférence ? » , moins de 40% des moins de 50 ans choisissent « un système où ce sont les représentants élus par le peuple et formant une assemblée qui votent la loi, comme actuellement » alors qu’ils sont plus de 45% (plus 3% en un an) à choisir « un système où c’est le peuple qui décide directement de la loi, grâce à des référendums, des assemblées citoyennes, des assemblées tirées au sort ». Ils sont même majoritaires chez les ouvriers et les employés (54%) et plus généralement dans les ‘milieux défavorisés’ (58%°) à se prononcer en faveur de la démocratie directe plutôt qu’en faveur de la démocratie représentative que nous connaissons. Quand débattons-nous des réponses fortes à apporter en matière de démocratie ?

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