En mars prochain, des grandes métropoles aux plus petits villages, le pays entier va voter. Ce scrutin est souvent présenté comme « local », technique, apolitique. Dans la situation actuelle, c’est tout l’inverse : les municipales seront un moment national décisif. Elles peuvent ouvrir la voie à une victoire massive de la droite et de l’extrême droite, à la trumpisation du pays par l’ancrage du Rassemblement national dans des milliers de communes. À l’inverse, elles peuvent devenir le premier mouvement offensif d’un bloc populaire de gauche, capable de peser sur la vie politique française jusqu’en 2027.
La gauche n’a pas droit à un nouvel épisode de divisions absurdes, de rivalités d’appareil et de flou stratégique. Nous défendons une ligne simple : unité la plus large à gauche, unité sur des objectifs clairs.
Les municipales, un enjeu national et une bataille pour les communs
Les municipales engagent l’école, les crèches, les transports, le logement, l’eau, l’énergie, la culture, le sport, l’aménagement du territoire, la vie associative. Elles déterminent aussi la composition des intercommunalités et des métropoles qui structurent désormais une grande partie des politiques publiques.
Derrière ces dossiers concrets, une question traverse toutes les communes, rurales comme urbaines, populaires comme aisées : organisons-nous nos vies collectives comme un marché, ou comme des communs ?
Les communs, ce sont ces biens, services et espaces sans lesquels aucune vie digne n’est possible, et que personne ne devrait pouvoir accaparer : l’eau que l’on boit, l’air que l’on respire, la rue où l’on circule, l’école où l’on apprend, le parc où l’on se retrouve, l’accès à la santé, la possibilité pour toutes et tous de vieillir dignement, les données et savoirs partagés, les formes d’entraide qui traversent les quartiers et les villages.
Depuis des décennies, le capital cherche à transformer ces communs en marchés par les privatisations, les délégations de service public, la spéculation foncière, la marchandisation des espaces publics. La trumpisation, à l’échelle municipale, c’est la poursuite de ce processus, couplée à la désignation de boucs émissaires : pauvres, étrangers, jeunes des quartiers, femmes, minorités.Pour nous, les municipales de mars sont d’abord une bataille pour reprendre la main sur les communs et leur gestion. C’est là que se joue, concrètement, la question communiste 2.0 : non pas proclamée dans l’abstrait, mais construite par des choix municipaux qui arrachent des morceaux de vie au marché, les protègent, les mettent en partage sous contrôle démocratique.
Une orientation communiste claire : faire des communes des communs
Être communiste aujourd’hui dans les communes, ce n’est pas se contenter de promettre une « bonne gestion ». C’est affirmer que la richesse produite par le travail doit servir d’abord à renforcer les communs, à garantir les droits sociaux, à engager la bifurcation écologique, et non à alimenter les profits d’une minorité.
Concrètement, cela signifie faire de l’eau un bien commun en refusant les logiques de rente des grands groupes ; traiter l’énergie comme un droit et non comme un luxe, par la rénovation thermique des logements, la lutte contre la précarité énergétique, le développement de productions locales maîtrisées ; penser la mobilité comme un commun, en organisant des transports accessibles qui relient les quartiers populaires, les villages, les zones d’activité, au lieu d’abandonner les gens à la dépendance à la voiture individuelle.
Cela signifie aussi considérer le sol comme un commun à protéger : maîtrise foncière publique, lutte contre la spéculation, production de logements véritablement accessibles, attention au maintien des terres agricoles et des espaces verts. Et, au cœur de tout cela, faire des services publics – école, santé, culture, sport, petite enfance – non pas des variables d’ajustement budgétaire mais des biens communs à étendre, à démocratiser, à co-construire avec celles et ceux qui les font vivre.
Ce sont aussi des communs numériques : des savoirs partagés, des logiciels libres, des infrastructures et des plateformes qui devraient être au service de toutes et tous plutôt que capturées par quelques grandes firmes ; des données produites par la vie sociale qui doivent rester sous contrôle public et citoyen, et non devenir une matière première pour la surveillance et le profit. Enfin, ce sont des pratiques d’entraide et de solidarité – en ligne comme dans les quartiers, les villages, les petites villes et les lieux de travail – qui tissent un autre rapport au monde que le chacun pour soi.
Chaque fois qu’une commune remunicipalise un service, bloque une privatisation, refuse un projet spéculatif imposé, soutient une forme de propriété collective ou sociale, elle arrache un morceau de pouvoir au capital et le rend aux habitant·es. Chaque fois que des conseils d’usagers, des assemblées de quartier, des collectifs d’habitant·es interviennent dans les décisions, la démocratie cesse d’être un slogan pour devenir une pratique.
C’est cette orientation communiste que nous voulons mettre au centre des municipales. Elle ne s’oppose pas à l’unité, elle lui donne un contenu.
Oui à l’unité, sur une ligne lisible et assumée
Alternative Communiste se prononce clairement pour le rassemblement de la gauche et de l’écologie aux municipales. L’histoire récente l’a montré : sans union, la droite et l’extrême droite avancent. Les expériences de la NUPES en 2022 et du Nouveau Front populaire en 2024 ont prouvé que le rassemblement peut ouvrir des possibles et empêcher des basculements réactionnaires.
Mais notre expérience nous enseigne aussi qu’il ne suffit pas de coller les logos pour gagner durablement. Nous ne voulons pas d’une unité floue, sans boussole, qui promette tout à tout le monde pour au final renoncer à l’essentiel dès la première difficulté.
Pour nous, l’unité doit être bâtie sur trois piliers :
- la conscience partagée que les municipales sont un enjeu national dans la bataille contre la droite, l’extrême droite et la trumpisation du pays ;
- l’engagement clair à défendre et étendre les communs, à rompre avec les logiques de privatisation, d’austérité et de spéculation ;
- un rapport assumé à la conflictualité de classe : une municipalité de gauche n’est pas là pour accompagner « loyalement » les injonctions du marché, mais pour les contester, les déjouer, organiser les résistances.
Sur cette base, Alternative Communiste est prête à soutenir, construire, défendre des listes d’union dans tout le pays. Loin d’affaiblir l’unité, la clarté sur les objectifs la rend crédible, lisible, désirable. Une gauche municipale qui dit ce qu’elle veut, qui sait pour qui elle gouvernera et contre quels intérêts, peut rassembler bien au-delà de ses cercles militants : salarié·es, retraité·es, chômeur·ses, jeunes précaires, habitant·es des quartiers populaires, paysan·nes.
Un rassemblement construit par en bas, assumé par les organisations
Cette unité de contenu ne peut pas être décrétée entre appareils. Elle doit être discutée, appropriée, enrichie par celles et ceux qui vivent les politiques locales au quotidien. C’est pourquoi nous appelons à la mise en place, partout où c’est possible, d’assemblées populaires des communes et des communs.
Dans ces assemblées doivent se retrouver les forces politiques de gauche et écologistes, les syndicats, les associations, les collectifs de lutte, les groupes d’habitant·es. On y débat des priorités : quels services publics défendre et développer ? Quelle politique du logement et du foncier ? Quelle place pour l’agriculture paysanne ou les circuits courts ? Quels moyens contre la précarité et les discriminations ? Comment faire de la transition écologique un progrès pour la majorité et non une punition sociale ?
C’est aussi dans ces assemblées que doivent être discutées les candidatures, pour que les listes d’union ne soient pas l’affaire de quelques professionnel·les de la politique, mais soient portées par des salarié·es, des habitant·es des quartiers populaires, des paysan·nes, des militant·es des luttes concrètes.
Dire que le rassemblement doit être construit par en bas ne décharge en rien les organisations de leurs responsabilités. Dans un moment où, à l’échelle mondiale, se combinent montée de l’individualisme, culture du « chacun pour soi », désignation systématique de boucs émissaires, mise en scène de la concurrence de tous contre tous, les partis, syndicats, organisations de gauche ne sont pas des spectateurs. Ils ont une responsabilité historique : celle de proposer un autre récit, d’assumer une pratique unitaire cohérente, de refuser de céder eux-mêmes à ces logiques de fragmentation, de personnalisation et de rivalités de boutique qui miment, à leur manière, l’idéologie dominante.
L’unité n’est pas seulement un accord électoral, c’est un processus politique et culturel. Si nous voulons que les communes deviennent vraiment des communs, alors il faut que celles et ceux qui y vivent puissent se reconnaître dans les listes qui se présentent et dans les objectifs qu’elles portent, et que les organisations qui se réclament du mouvement ouvrier et des luttes d’émancipation soient capables, elles aussi, de se hisser à la hauteur de ce moment historique.
Unité et clarté pour barrer la trumpisation et rouvrir un horizon
La trumpisation n’est pas un slogan de plus : c’est le projet cohérent d’un capitalisme prêt à assumer l’autoritarisme, le racisme, le patriarcat et la destruction écologique pour maintenir ses profits. Permettre à la droite et à l’extrême droite de conquérir des centaines, des milliers de communes, ce serait lui offrir des bases territoriales solides.
À l’inverse, faire gagner en mars des centaines, puis des milliers de communes de gauche, d’écologie et de rupture, ce serait :
- bloquer l’avancée territoriale de la droite et de l’extrême droite ;
- montrer, par l’exemple, que d’autres choix sont possibles dès maintenant, à partir des communs ;
- donner au monde du travail et à la jeunesse des points d’appui concrets pour les luttes à venir, jusqu’en 2027 et au-delà.
Alternative Communiste appelle les forces de la gauche et de l’écologie, les organisations syndicales, les collectifs en lutte, les élu·es et les militant·es, à se retrouver rapidement pour construire une stratégie municipale commune : unitaire, exigeante, tournée vers les bifurcations écologiques, sociales et démocratiques dont le pays a besoin, centrée sur la défense et l’extension des communs.
Les municipales de mars ne sont pas un scrutin périphérique. Elles sont le test de notre capacité à rassembler la gauche sans renoncer à ce pour quoi elle existe : défendre le camp du travail, partager la richesse, protéger et étendre les communs, engager la transition écologique au service de la majorité, refonder la démocratie locale, faire reculer le capitalisme qui ouvre la route à la trumpisation.
Unité, oui. Mais unité claire, offensive, ancrée dans les communs, dans la lutte de classes et dans l’exigence de bifurcation écologique et démocratique : c’est sur cette ligne qu’Alternative Communiste entend prendre toute sa part.


