Résumé de l’entretien avec Elsa Faucillon du 11 novembre 2025.
Face à une extrême droite aux portes du pouvoir, Elsa Faucillon refuse la paralysie, encore moins la résignation. « Il ne faut ni més- ni sous-estimer la violence de l’extrême droite au pouvoir », dit-elle. Mais elle insiste : la bataille idéologique n’est pas perdue. Aucun mouvement de masse ne porte aujourd’hui le RN ; ce vide est un espace à conquérir. Pour elle, la clé réside dans la reconquête du politique par la gauche : « S’ils n’ont pas gagné la bataille des idées, alors c’est à nous de la mener. » Cela implique un projet clair : comment accueillir dans une France traversée par les crises ? Comment redonner du pouvoir aux travailleurs ? Que signifie travailler ou produire au XXIᵉ siècle, dans un monde à +4 °C ? Autant de questions que la gauche doit cesser d’esquiver.
Elle rappelle aussi et sans l’exagérer, la puissance encore possible des mobilisations sociales : du 10 au 18 septembre, jusqu’aux signaux venus de l’international notamment de New York. « Les éruptions sont possibles, à condition d’avoir un objectif mobilisateur. »
Sur l’extrême droite, Elsa Faucillon exprime sa vive inquiétude mais elle met en garde contre les comparaisons mécaniques avec les années 1930, qui « tranquillisent » la population en donnant l’impression que Bardella n’est « pas Hitler ». Le risque est immense, mais il n’est pas inéluctable. Pour elle, nous vivons une crise de régime où Macron s’accroche au pouvoir comme gestionnaire en chef des intérêts de la classe dominante. La Ve République est « à l’agonie », mais peut encore durer longtemps, pendant que se déploie une « fascisation » à l’échelle mondiale : Trump, Milei, Meloni, Orban, Erdogan, Netanyahou… autant de signes d’une « internationale réactionnaire » à l’œuvre. Impossible de se raconter que « ça n’arriverait pas ici ».
Surtout, l’extrême droite n’est plus seulement en embuscade : elle est en cours d’intégration dans un arc réputé “républicain”, pendant que la gauche radicale est mise au ban. À l’Assemblée, Faucillon voit une présidente « qui se bat pour considérer que c’est normal » que le RN soit au bureau, des ministres « extrêmement courtois, voire chaleureux » avec ses députés. Résultat : la banalisation avance. Et ce jeu du « dos à dos » FI / RN n’a qu’un effet : « banaliser un peu plus l’extrême droite ».
Dans ce contexte, elle juge la stratégie d’une partie de la gauche dramatique, notamment sur le budget : refus de voter la censure, participation au piège macroniste. « On va rendre moins pire un projet infamant : plutôt qu’un coup de poing, les gens vont se prendre une gifle. » Pour elle, la gauche aurait dû assumer de renvoyer la crise devant le peuple souverain, même au risque de la dissolution, plutôt que de se retrouver à voter comme la majorité sur des morceaux de PLFSS. Mais Elsa Faucillon refuse de réduire la politique à l’Assemblée : « La politique, c’est pas que l’Assemblée nationale, et encore moins quand on est à gauche. » Tant que tout est recentré sur le jeu parlementaire et les petites manœuvres de groupe, on étouffe. L’enjeu, c’est de reconstruire des forces sociales, des comités locaux, des fronts de lutte (Gilets jaunes, Sainte-Soline, batailles syndicales…) reliés à un projet politique lisible.
Sur la gauche elle-même, elle est claire : le discours des « deux gauches irréconciliables » est, dans la période, un « contresens historique ». Oui, il y a affrontement stratégique, notamment avec un PS tenté de « repartir chercher au centre » et de croire aux petits arrangements avec le capital. Mais il existe un fond commun antilibéral issu de la NUPES et du NFP, des votes largement convergents, et surtout une expérience récente : « Si la gauche ne s’était pas unie en 2024, Bardella serait déjà à Matignon. »
Que faire, alors, « dans cette période lourde de danger » ?
Ne pas se laisser hypnotiser par le scénario du pire comme s’il était écrit d’avance, organiser la riposte internationale (la « Digue » contre le technofascisme), élargir les batailles sur les communs, le pouvoir des travailleurs, l’accueil, l’écologie, et, surtout, imposer l’union comme exigence populaire. L’extrême droite peut gagner. Mais, pour Elsa, une chose est non négociable : « Je ne veux pas qu’on baisse les bras. »



Laisser un commentaire