Contribution

Du PCF à LFI : le risque fatal de l’hégémonie

LFI s’est imposée à gauche comme une force déterminante et incontournable. Imaginer qu’un rassemblement des forces de transformation sociale puisse se faire sans elle, serait totalement irresponsable. Ce serait dérouler le tapis noir à la fascisation rampante qui dégouline de tous les côtés. De même, sans LFI pas de cartel des gauches qui puisse avoir une quelconque crédibilité et répondre aux aspirations populaires progressistes.

De ce point de vue, le rejet de LFI par les socialistes est une ridicule rodomontade. De même, les réticences du PCF sont d’une prétention inouïe au regard de l’affaiblissement devenu constitutif de ce parti.

Ces tentatives d’isolement de LFI laissent entendre que le PS n’a pas renoncé à reconstituer un pôle réformiste (cf. la récente publication de la fondation Jean Jaurès sur « la troisième gauche »). Une partie des Écologistes semble séduite, tant ce parti est tiraillé entre remédier aux effets les plus délétères du capitalisme (pure illusion) et changer modérément de système (pure naïveté). Le PCF y verrait une opportunité pour renouer avec l’archaïque union de la gauche qu’il a longtemps dominée et dont il espère assurer à plus ou moins long terme le contrôle (pure fantaisie).

Selon moi, il y a une relation de cause à effet entre l’hégémonie du PCF et son déclin. Je pense que c’est ce qui pourrait se produire avec LFI tant son comportement hégémonique et dominateur s’exerce en toutes choses. S’il en était ainsi ce serait dévastateur pour le combat contre la fascisation de la société.

PCF : de l’hégémonie au déclin

A partir du milieu des années 1930, le PCF a été la force motrice de l’unité de la gauche, dès lors que l’Internationale communiste (Komintern) avait brusquement renoncé à l’orientation « classe contre classe » qui assimilait les réformistes à des ennemis de la classe ouvrière. Face à la menace fasciste, elle avait adopté le mot d’ordre de « Front populaire », tout en voulant faire des forces social-démocrates des alliées dociles des partis communistes. Dès 1919, l’IC avait décrété que la classe ouvrière, révolutionnaire par essence, avait pour mission messianique mondiale de libérer toutes les couches populaires, et que les partis communistes étaient les seuls incarner et guider cette classe. Les groupes trotskistes et libertaires, prétendant de leur côté vouloir diriger la révolution prolétarienne, étaient, au mieux, voués aux gémonies. Par conséquent, l’union ne valait que si les PC en assuraient le contrôle. Les différences idéologiques et programmatiques devaient rester dans d’étroites limites et rester dans l’entre-soi. L’intervention populaire devait être sévèrement orchestrée. Le PCF a été formaté par cette stratégie dogmatique.

Le fondement de son déclin réside dans cette ambition hégémonique (j’utilise le terme hégémonie dans son sens trivial de « domination ») A partir de 1945, il a dominé la gauche politiquement et idéologiquement, s’alliant avec les socialistes et écartant les « gauchistes », ainsi qu’il les qualifiait. En mai 1968, son incompréhension du sens profond des événements a été telle, qu’il a été un moment déstabilisé par une offensive conjointe des réformistes et de mouvements contestataires anti PCF. A partir de 1970, son hégémonie a été contestée et il a commencé à s’affaiblir au profit du parti socialiste. Toutes les tentatives du PCF pour retrouver sa place dominante ont été mises en échec. Il s’est obstiné dans cette voie au moment des comités antilibéraux post 2005, ce qui lui a valu un fiasco retentissant à la présidentielle de 2007. Son déclin s’est poursuivi au point qu’aujourd’hui son existence est compromise. Persuadée du contraire depuis le 38ème congrès de novembre 2018 qui a porté Fabien Roussel à la tête de la nouvelle direction, la majorité des communistes est convaincue que le temps de « l’effacement du parti » est dépassé et que le PCF est capable de redevenir « le vecteur du rassemblement et de l’unité populaire ».

LFI : LE PIÈGE D’UNE NOUVELLE HÉGÉMONIE

Depuis sa création en février 2016, après des hauts et des bas, LFI, suite à ses succès électoraux aux présidentielles et législatives de 2017 et 2022, s’est vu propulsée comme la force prépondérante, non seulement de la gauche de transformation sociale mais de toute la gauche (je ne distingue pas Les Écologistes du reste de la gauche). Sa radicalité et sa cohérence marquent des points. C’est ce qui explique les attaques malveillantes, voire ignobles, dont elle est l’objet, de la part des idéologues politiques et médiatiques, toutes droites, extrêmes ou pas, confondues. Aujourd’hui, LFI, forte de son influence politique, se voit à son tour dans un rôle « d’avant garde des luttes et des idées ». Elle se place pour la présidentielle de 2027, s’engage résolument dans les municipales de 2026, alors que jusque là elle avait donné l’exclusivité à la présidentielle. Elle semble bien décidée à défier les autres forces de gauche, en tout cas à ne pas contribuer à des stratégies de rassemblement.

Voilà donc LFI saisie à son tour par une boulimie d’hégémonie et de domination à gauche, de celle qui a provoqué le déclin du PCF. A terme, elle pourrait lui être fatale.

Au surplus, cela pourrait être gravement néfaste pour le combat contre la fascisation de la société et pour le rassemblement des forces progressistes pour y faire front.

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