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Retour sur le résultat des élections européennes

Bob Injey, nous a fait parvenir une première note d’analyse sur les élections européennes. http://www.robertinjey.com/

La dissolution de l’Assemblée nationale, le soir même de l’élection européenne, n’a pas rendu très audible  l’analyse du résultat de celle-ci. Pourtant c’est un scrutin toujours très intéressant à analyser car s’y dégagent des tendances que nous pourrons retrouver par la suite. 

Dans cette brève note j’essaie de dégager quelques pistes de réflexions, mais cela ne saurait remplacer une analyse plus exhaustive. Ici je vais me limiter aux grandes tendances nationales et à un regard un peu plus poussé sur les résultats du PCF.

1/ Avant la forte poussée de la participation aux législatives du 30 juin et du 7 juillet, pour la seconde fois, après 2019,  la participation à l’élection européenne est légèrement à la hausse (51,49% contre 50,12% en 2019 et 42,43% en 2014). 

2/ Le fait majeur de ce scrutin, bien évidemment, c’est la forte poussée du Rassemblement National qui confirme la poussée observée en 2022. Un gain de 8 points sur 2019 (31,37% contre 23,34% en 2019 et près de 2,5 millions de voix (7,765 millions en 2024 contre 5,286 millions en 2019). Une hausse qui anticipe la poussée que nous pouvons constater lors des législatives qui ont suivi. Sur les législatives, en cumulant les résultats de ’ensemble de l’extrême droite nous obtenons: 

2017: 14%

2022: 23%

2024: 34% (Avec Ciotti)

Cette réalité traduit l’impressionnant échec d’E. Macron. Rompre avec les politiques menées par celui-ci est une urgence absolue.

3/ L’effondrement du parti présidentiel. En recul de près de 6 points  sur 2019 (14,60% contre 22, 42%) et de près de 1,5 million de voix.

4/ Les Républicains, avant même l’épisode Ciotti, poursuivent leur effondrement électoral. 7,25% de voix contre 8,48% en 2019 et la perte de plus de 100 000 voix. 

5/ A gauche nous observons plusieurs phénomènes qui en raison de la dissolution immédiate de l’Assemblée nationale sont passés un peu sous les radars.  Le premier fait, c’est la totale inversion du rapport de force entre EELV et le PS/Place Publique. En 2019 boostés par les mobilisations pour le climat, avec une grande mobilisation internationale (1600 manifestations dans 125 pays) le 25 mai 2019, la veille du scrutin, les écologistes d’EELV réalisaient une belle performance avec 13,48% des voix, alors que le PS avec Raphaël Glucksmann réalisait 6,19%. 

En 2024, la guerre en Europe et à Gaza occultent totalement la question environnementale du débat, et l’inversion au sein de ce que pouvons considérer comme le pôle social-démocrate est assez frappant avec 5,50% pour EELV et 13,83% pour le PS/Place Publique. Mais ce résultat masque aussi un recul puisque en 2019 Benoît Hamon était candidat et réalisait 3,27%. Si on s’amuse à cumuler les voix des uns et des autres, nous observons  un recul  du pôle social-démocrate de 413000 voix entre 2024 et 2019. 

6/ A l’inverse et c’est le second enseignement, ce que nous pourrions appeler la gauche de rupture progresse. Pour cette gauche de rupture, avec LFI et le PC, pour laquelle historiquement les élections européennes sont les plus difficiles (C’était déjà le cas avec feu le Front de Gauche), nous observons une  progression de plus d’un million de voix. C’est le fait quasi exclusivement de la France Insoumise qui passe de 6,31% et 1,428 million de voix en 2019 à 9,89% et 2,448 millions de voix en 2024. Notons que tous les sondages avaient placé la liste conduite par Manon Aubry en dessous de ce score.

7/ Concernant le Parti Communiste Français qui, à la différence de 2019, avait le soutien d’autres forces politiques (1), il y a une progression en voix (+19 000) en raison de l’augmentation de la participation. En pourcentage le PCF est en léger recul de 2,49% à 2,36%. Depuis l’arrivée de Fabien Roussel à la direction du PCF (2018) c’est le troisième scrutin national sur lequel on peut observer le rapport de force entre les uns et les autres,  c’est le troisième scrutin qui  trouve le PCF scotché sous les 2,5% (2,49% % européennes en 2019, 2,28% présidentielle de 2022, 2,36% européennes de 2024).

Avec ce scrutin se trouve confirmé, une nouvelle fois, que le très bon résultat de Fabien Roussel  dans les enquêtes sur les personnalités ne se retrouve pas dans l’adhésion aux idées. 

Ne faut-il pas s’interroger, maintenant que nous avons ce recul de plusieurs années, sur la pertinence d’une ligne politique qui a été axé exclusivement sur la personnalité de Fabien Roussel (2) et la logique de réaffirmation d’une identité au détriment d’un rôle majeur dans les dynamiques de rassemblement ? 

Le moment est sans doute d’autant plus nécessaire qu’il y a urgence. 

8/ Sur l’urgence, à titre d’exemple je prends la situation dans mon département, les Alpes-Maritimes. 

C’est un département, comme l’essentiel de la Région PACA,  difficile pour toute la gauche. Aujourd’hui le PCF y atteint un seuil critique d’un point de vue électoral, mais aussi organisationnel. 

Ainsi le score sur Nice est, en nombre de voix, historiquement le second score le plus faible  enregistré par le PCF depuis sa création. Il faut remonter aux municipales de …1925 pour retrouver, avec 1022 voix, un score inférieur aux 1777 voix rassemblées par Léon Deffontaines le 7 juin.  Et à l’époque les femmes n’avaient pas le droit de vote et  la base électorale était beaucoup plus faible  (29 855 inscrits contre 223 287 aujourd’hui).

Dans les communes où l’influence du PCF compte où comptait encore récemment, tous les résultats sont en baisse en nombre de voix.

Si nous jetons un regard plus précis sur un des secteurs les plus populaires de Nice, avec les 6 bureaux de l’Ariane et les 2 de  Bon Voyage, la tendance à l’effondrement est encore plus impressionnante.

Cet effondrement dans les «bastions communistes» et les quartiers populaires ne date pas d’aujourd’hui. L’épisode de la gauche plurielle (97-2002), marque une profonde accélération du déclin du vote communiste dans ces quartiers. 

A la différence des élections locales, où l’impact des personnalités locales est important, les européennes, comme les présidentielles et les législatives sont le reflet des tendances lourdes au niveau national. 

Ainsi, comme au niveau national, c’est dans les anciens bastions communistes que le recul est le plus significatif. Au niveau régional c’est le cas avec les BdR où de 24 135 voix et 3,78% aux européennes en 2019 nous passons à 19 312 voix et 2,62% en 2024. 

Les communistes doivent se livrer à une analyse un peu plus poussée que l’habituel leitmotiv, « c’est la faute à Mélenchon et aux Insoumis», pour analyser cet énième recul, qui place le PCF à son étiage le plus bas depuis un siècle. 

Mais alors que les voix critiques à l’interne, accusées de tous les maux, ont été réduites  à la portion congrue, que le corps militant est assez âgé,  le PCF est-il encore capable d’un regard lucide sur la situation? La direction actuelle est-elle capable de sortir de l’impasse stratégique et de  prendre les initiatives en conséquence ? 

Les semaines, les mois à venir donneront, peut-être, des éléments de réponse…

Robert Injey

1/ Comme pour la présidentielle, le PCF avait le soutien de la Gauche républicaine et socialiste (GRS) fondée par l’eurodéputé sortant Emmanuel Maurel, L’Engagement, mouvement créé par l’ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, et Les Radicaux de Gauche.  Difficile de mesurer la réalité de l’impact électoral de ces soutiens. 

2/ Campagne médiatique, tracts, affiches, bulletin de vote et profession de foi, Fabien Roussel était très présent dans cette campagne. Même son nom, et c’est totalement inédit dans l’histoire du PCF, figurait dans l’intitulé de la liste… 

Débattons-en !