L’avenir est en bas à gauche !

Merci à Cerises la Coopérative de nous avoir sollicité pour une contribution dans leur Journal de Février 2023

Nous reproduisons, ci-dessous, notre contribution, et nous vous invitons à lire tout le dossier sur le thème « La politique, l’affaire de toutes et de tous, mais comment? » en ligne : https://ceriseslacooperative.info/2024/02/02/journal-de-fevrier-2/

L’avenir est en bas à gauche !

« La gauche » traverse une crise historique à peu près partout où le régime politique permet de parler de gauche et de droite.  Cette crise prend dans chaque pays des formes spécifiques mais renvoie à deux séries de causes.

Sur le plan idéologique, le double échec de la gauche du 20ème siècle, communistes et social-démocrate, à réaliser où que ce soit l’objectif qu’elle avait hérité du mouvement ouvrier d’une rupture avec le capitalisme a privé la gauche de son projet de société. S’ajoute une perte de confiance en la gauche par son impuissance concrète d’aujourd’hui. Depuis un demi-siècle, elle n’a pas réussi à améliorer ni même à empêcher une détérioration des conditions de vie et de travail des classes populaires. Elle est incapable de faire prévaloir des solutions à la terrifiante crise climatique qui menace l’humanité.

Un échec qu’il faudrait aussi analyser par le caractère confiscatoire de la révolution par les organisations de gauche et singulièrement communistes, comme le montre Michèle Riot-Sarcey dans son ouvrage « L’émancipation entravée ». « C’est pourquoi l’utopie réelle relève moins des textes et des théories que des pratiques et des expériences concrètes » écrit-elle. C’est là certainement le point faible des forces politiques traditionnelles qui se sont formées selon le modèle bolchevik pour « frapper ensemble » plus que pour expérimenter, inventer, développer des pratiques nouvelles au plus près du terrain, analyser ce que produit ou pas l’expérimentation singulière.

Peut-être assistons-nous à un renversement de pensée et d’action des communistes par celles et ceux qui théorisent et pratiquent le « communisme déjà là »? Peut-être que c’est ce que recherchent celles et ceux qui sont engagées dans des pratiques alternatives: la capacité à produire de l’expérimentation alternative, de l’analyse pour se renforcer des réussites comme des échecs?

Si « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface » (Victor Hugo), il faut donc mieux travailler le fond, rendre plus explicite l’objet de l’association ou des associations de femmes et d’hommes qui entendent changer l’ordre des choses existantes. Les partis sont une part des choses existantes. Leur transformation/création se fera par la critique de l’existant, l’expérimentation, l’alignement des buts et des moyens, la dispute démocratique dans et en dehors des structures.

Le métissage des cultures politiques transformatrices est aujourd’hui un atout pour avancer. Il peut se réaliser en fédérant les expériences, les initiatives, les énergies en proximité. L’expérience de la France insoumise montre qu’une organisation non démocratique peut être attractive par son projet mais ne tient pas dans la durée si la vie interne n’est pas en adéquation avec celui-ci. A l’inverse le PCF peut avoir des règles démocratiques qui ne correspondent pas au but d’émancipation personnelle et collective.

L’enjeu démocratique repose sur une culture assumée de l’exigence individuelle et collective démocratique. Elle est indispensable pour développer l’action sur le terrain et dans des moments « fédérateurs » à des échelles territoriale de la commune à l’internationale. Le courant communiste aurait ses rôles à jouer pour contribuer, partager des expériences et des analyses, chercher l’altérité qui enrichit.

Patrice Leclerc

Pour la coordination d’Alternative communiste

Une réflexion sur « L’avenir est en bas à gauche ! »

  1. L’AVENIR EST EN BAS À GAUCHE… ET EN HAUT !
    Par Roger Hillel

    La contribution de PatriceLeclerc appelle de ma part plusieurs remarques. Je les formule avec un degré de certitude variable.

    1- A propos du terme « la gauche »
    Autant il me semble pertinent d’utiliser ce terme dans le couple gauche-droite qui figure dans des études de sociologie politique, du genre de celles de Lebras-Todd, autant il me paraît prêter à confusion dans le cadre de la discussion qui nous occupe. « La gauche » a historiquement correspondu à deux ensembles dont la ligne de séparation idéologique portait sur la question du dépassement du capitalisme. S’en accommoder, pour l’ensemble réformiste, s’en débarrasser, pour l’ensemble révolutionnaire. Dans le premier ensemble, l’hégémonie était assurée par le parti socialiste, dans le second, c’était le PCF. C’est sur la base de ce clivage que « la gauche », en France, a été au pouvoir au cours de plusieurs séquences historiques. Mais, c’est le courant réformiste qui en a assuré essentiellement la responsabilité ( Front populaire, Programme commun). Chaque fois que cette gauche réformiste a accédé seule au pouvoir, elle a accentué sa vision réformiste et, pour une part, réactionnaire.

    2- A propos de la crise historique de « la gauche »
    Elle tient, selon moi, à deux causes. La première est que clivage réformisme-révolutionnaire s’est progressivement dissipé, du fait que toutes « les gauches », à des degrés divers, ont été gagnées, non pas seulement par l’abandon de l’exigence du dépassement du capitalisme, mais par le paradigme de l’indépassabilité du capitalisme. Cela me semble être de plus en plus, dans les faits, ce qui se produit au PCF depuis une quinzaine d’années. Je suis moins instruit de ce qu’il en est de LFI et des écologistes, mais je crois qu’ils ne sont pas épargnés, a fortiori les socialistes.

    3- S’ajoute à ce redoutable tropisme, ce qui a été historiquement «  le caractère confiscatoire de la révolution par les organisations de gauche et singulièrement communistes. » Les séquences historiques au cours desquelles il s’est manifesté jalonnent toute l’histoire du PCF de 1920 à nos jours.

    4- Le point qui me semble à creuser, c’est ce qu’a écrit Michèle Riot-Sarcey :  C’est pourquoi l’utopie réelle relève moins des textes et des théories que des pratiques et des expériences concrètes ». Je ne suis pas d’accord. L’utopie se nourrit effectivement des expériences et « des pratiques nouvelles au plus près du terrain », mais le travail théorique sur ces pratiques, ces expérimentations reste incontournable. Plus encore, il ne s’agit pas seulement de « mieux travailler le fond », mais de formuler de nouveaux concepts, de nouvelles idées. Ce travail doit disposer d’une autonomie théorique pour inventer ce que pourrait être la visée communiste. C’est ce qu’il y a de remarquable dans le travail de Bernard Friot et dans le réseau « salariat ». Force est de constater que les travaux de ce genre sont rares. Je comprends qu’après avoir été plombé pendant des décennies par la chape de plomb d’un pseudo marxisme, les intellectuels marxiens peinent à en sortir. Je pense qu’un des rôles de notre association serait de les aider à secouer le cocotier.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *