Édito : la bataille des mots fait rage

« Ultra-droite ». Le terme a surgi brusquement ces dernières semaines sous la plume des éditorialistes, dans la bouche des chroniqueurs et sur les bandeaux des chaînes d’information. Ainsi, les ratonnades organisées ces derniers jours par des activistes d’extrême droite dans les rues de Romans-sur-Isère ou de Lyon sont rebaptisées en « défilés de militants de l’ultra-droite » avec l’intention évidente de trancher le lien historique et donc consubstantiel entre ces groupuscules et les différentes formes que l’extrême droite a prises en France : anti-dreyfusardes, vichyste, OAS, FN, RN…

La bataille des mots fait rage. C’est bien sûr une bataille hautement politique et les communistes peuvent être porteurs d’une contribution essentielle pour dénoncer et contrer ce travail de faux-monnayeur. Alors que la planche à billets médiatique entre les mains d’une poignée de milliardaires tourne à plein régime pour ensevelir le débat public, il y a par exemple urgence à porter un projet communiste de libération des médias de ces puissances tutélaires.

Et cette bataille, il faut la mener non seulement sur les mots, mais jusque dans nos positions. Et ne pas être sur la défensive. La pression extrême exercée pour polariser le débat public sur les thèmes de l’identité nationale et de l’immigration, et accréditer le récit d’un « ensauvagement » résultat du « grand remplacement en cours » ne doit pas nous conduire, pour « être compris », à renoncer à exprimer nos positions de progrès, voire à les amputer. Ainsi, l’indispensable régularisation des travailleurs sans-papiers, avancée nécessaire et combattue en ce moment même farouchement par la droite et l’extrême droite à l’Assemblée nationale, ne saurait nous faire oublier la perspective historique dans laquelle nous nous inscrivons : celle dans laquelle l’immigration doit être considérée comme une chance, et la liberté de circulation et d’installation comme un droit à conquérir.

Céder à l’illusion selon laquelle la reconquête des classes populaires nécessiterait de composer peu ou prou avec ces thèmes réactionnaires serait une erreur. Elle ne fera pas progresser d’un pouce nos idées et notre capacité d’intervention politiques. Pire, elle accréditerait immanquablement le récit de l’adversaire, et par conséquent celui de son irrésistible ascension.

Au-delà des déclarations d’intention, pour contrer ce récit et lutter efficacement contre l’extrême droite, notre tâche essentielle est de travailler au rassemblement de la gauche, et crédibiliser ainsi la victoire possible d’une alternative écologique et sociale contre l’intolérance et la violence sociale.

Une réflexion sur « Édito : la bataille des mots fait rage »

  1. La guerre des mots – Un livre à lire
    https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/essais/la-guerre-des-mots/
    « Selim Derkaoui et Nicolas Framont déboulonnent les termes et expressions qu’utilisent quotidiennement les politiques, DRH et journalistes pour brouiller les frontières de classe et légitimer un ordre social au service de la bourgeoisie. Conçu comme un manuel de contre-propagande, ce livre contribue ainsi à renouveler un vocabulaire : celui de la lutte de classes. »

    Avec une préface de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot.

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